À l’aube du 7 mars 2024, le calme de Cestas, une commune proche de Bordeaux, a été perturbé par une manifestation inédite. Des viticulteurs girondins, réunis sous la bannière du collectif Viti33, ont bloqué le site logistique de l’enseigne Lidl. Leur message est clair et sans appel : les prix dérisoires pratiqués par certaines enseignes de la grande distribution menacent leur survie. « 1,89 euro, c’est notre mort en bouteille », souligne Bastien Mercier, l’un des porte-parole du collectif, faisant référence à une offre de vin bordelais à un prix qui défie toute rentabilité.
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ToggleL’Origine de la Contestation
Cette mobilisation fait écho à un malaise profond au sein du secteur viticole. Face à une crise qui s’aggrave, les producteurs de vin réclament un prix minimum du tonneau à 1 300 euros pour garantir la pérennité de leurs exploitations. Or, selon eux, certaines pratiques commerciales exacerbent la situation, en proposant des vins à des tarifs qui ne couvrent pas les coûts de production. « Le négociant, que nous avons identifié, a acheté ce vin à des viticulteurs en détresse à un prix ras les pâquerettes, vraisemblablement à 650 ou 700 euros le tonneau », explique Didier Cousiney, également membre de Viti33.
La Réponse des Vignerons
Devant une vingtaine de tracteurs et armés de leur détermination, les vignerons font face à une réalité économique implacable : vendre à perte n’est pas viable. « À ce prix seulement, on gagne notre vie », affirme Julien Luro, viticulteur à Targon, en dénonçant les marges de la grande distribution et des négociants qui compressent les revenus des producteurs jusqu’à l’asphyxie.
Un Soutien Transversal
Le blocage de la plateforme Lidl n’est pas seulement l’affaire des viticulteurs. Des agriculteurs de divers horizons, notamment des producteurs de légumes, se sont joints au mouvement, illustrant un mécontentement général face à la politique d’achat de certaines enseignes, qui privilégient les importations à bas coût au détriment de la production locale. « On importe du maïs de Chine produit sans les normes que nous respectons en France alors qu’on peut en trouver ici cultivé à quelques mètres… », déplore Guillaume, agriculteur participant à l’action.
Vers une Solution ?
Le collectif Viti33 a réussi à obtenir l’organisation prochaine d’une réunion avec les directeurs d’achat de Lidl France, et a adressé une lettre au ministre de l’Agriculture, demandant une table ronde impliquant négociants, distributeurs et vignerons, avec un arbitrage de l’État. Cette démarche témoigne de la volonté de dialogue, mais les vignerons restent prêts à mener de nouvelles actions pour défendre leurs droits.
Une Crise Profonde
La situation à Cestas est le symptôme d’une crise viticole qui dépasse largement les frontières de la Gironde. Elle soulève des questions fondamentales sur la valorisation du travail agricole, les modèles de consommation et la responsabilité des acteurs de la chaîne d’approvisionnement. Alors que les vignerons se battent pour leur survie, la société doit se demander quel prix elle est prête à payer pour préserver son patrimoine viticole et agricole.