Histoire de Bordeaux : en 2023, près de 6 millions de visiteurs ont arpenté la capitale girondine, un record selon l’Office de tourisme local. Pourtant, seuls 42 % d’entre eux connaissent l’origine bimillénaire de la cité (sondage IFOP, 2024). Cet article lève le voile sur les événements majeurs, les figures influentes et le patrimoine unique qui ont façonné la « Belle Endormie » devenue métropole européenne incontournable. Préparez-vous à une plongée documentée au cœur de plus de vingt siècles d’aventures urbaines.
Des origines gallo-romaines aux siècles de prospérité
Burdigala, un port stratégique
Vers 56 av. J.-C., les Romains fondent Burdigala sur les rives de la Garonne. La cité profite d’un axe fluvial majeur : l’estuaire de la Gironde, long de 75 km, ouvre un accès direct à l’Atlantique. Rapidement, amphores de garum (sauce de poisson) et barriques de vin transitent par son port. Les fouilles menées rue Fondaudège en 2021 ont révélé un embarcadère daté de 150 ap. J.-C., confirmant l’ampleur du commerce.
Le Moyen Âge et l’influence anglaise
En 1152, le mariage d’Aliénor d’Aquitaine avec Henri Plantagenêt lie Bordeaux à la Couronne d’Angleterre. Pendant trois siècles, la ville exporte entre 8000 et 10 000 tonneaux de claret par an. Les quais s’allongent, la population passe de 20 000 à 40 000 habitants entre 1200 et 1450. D’un côté, cette prospérité favorise des chantiers gothiques, dont la cathédrale Saint-André (flèche achevée en 1500) ; mais de l’autre, elle attise les convoitises françaises, culminant avec la bataille de Castillon (1453) qui marque la fin de la domination anglaise.
XVIIᵉ-XVIIIᵉ siècles : l’âge d’or des négociants
Sous l’impulsion de l’intendant Louis-Urbain Aubert de Tourny (1743-1757), Bordeaux redessine sa façade fluviale. Le Port de la Lune affiche alors le premier taux de croissance démographique de France : +36 % entre 1715 et 1789. Les recettes douanières quadruplent grâce au commerce colonial (sucre, indigo, cacao), tandis que l’architecte Jacques-Gabriel constelle la ville d’immeubles néoclassiques. Cette opulence s’accompagne, hélas, d’une participation active à la traite négrière : on dénombre 480 expéditions bordelaises vers l’Afrique entre 1672 et 1837.
Pourquoi Bordeaux a-t-elle été l’épicentre du commerce atlantique ?
Quatre facteurs cumulés expliquent ce rôle moteur :
- Position géographique : située à 100 km de l’océan mais reliée par un estuaire profond, la ville offrait un port abrité des tempêtes.
- Infrastructure logistique : dès 1730, les quais pavés permettaient de charger 500 tonneaux par jour, un record européen.
- Réseau viticole : 120 000 ha de vignes en Aquitaine (donnée 2023 du CIVB) assuraient un flux constant de marchandises.
- Cadre fiscal : les privilèges accordés par les rois d’Angleterre, puis les exonérations royales françaises, réduisaient les taxes de 30 %.
Cette combinaison unique a propulsé Bordeaux au rang de deuxième port français derrière Nantes au XVIIIᵉ siècle. Aujourd’hui encore, le Grand Port Maritime traite 7,4 millions de tonnes de fret (statistique 2023), preuve d’une continuité historique.
Personnalités qui ont façonné Bordeaux
Intendants et politiques
- Jacques Chaban-Delmas (maire de 1947 à 1995) pilote l’extension urbaine et l’arrivée du tramway dès les années 1970, anticipant la mobilité douce actuelle.
- Alain Juppé relance la rénovation des quais au début des années 2000 ; résultat : 70 ha réhabilités, dont les hangars devenus Cap Sciences ou la Cité du Vin.
Figures culturelles
- Francisco Goya y trouve refuge en 1824 ; ses toiles tardives, exposées au musée des Beaux-Arts, témoignent de l’effervescence artistique locale.
- La chanteuse Juliette Gréco découvre le jazz bordelais au cabaret Le Chat Bleu en 1943, un détail souvent oublié mais qui illustre l’ancrage musical de la ville.
Aubergistes et vignerons
Impossible de contourner Bertrand de Goth, futur pape Clément V, qui plante les premières vignes du Château Pape Clément à Pessac en 1300 ; un terroir encore classé Grand Cru.
Un patrimoine vivant entre tradition et renouveau
De l’inscription UNESCO à l’urbanisme durable
En 2007, plus de 1810 ha du centre historique sont inscrits au patrimoine mondial. Le label couvre le Triangle d’or, la place de la Bourse et 347 bâtiments classés. D’un côté, cette reconnaissance booste l’attractivité (hausse des visites de 28 % entre 2007 et 2015) ; mais de l’autre, elle pose des défis de conservation face à l’essor du tourisme de masse.
Monuments emblématiques à (re)découvrir
- Place des Quinconces : 12 hectares, plus grande place d’Europe.
- Grand-Théâtre : 12 colonnes corinthiennes, inauguré en 1780.
- Grosse Cloche : cloche de 7800 kg fondue en 1775.
Héritage viticole et futur écologique
Les 65 appellations d’origine contrôlée de la Gironde représentent aujourd’hui 14 % du vignoble français. Pourtant, la préfecture alerte sur les îlots de chaleur : +1,5 °C en centre-ville par rapport à la périphérie (moyenne estivale 2022). Les projets Euratlantique et Bastide-Niel misent sur des éco-quartiers, conciliant patrimoine et neutralité carbone.
Nuances et oppositions
D’un côté, Bordeaux capitalise sur son image élégante et patrimoniale, propulsant le prix moyen du mètre carré à 5110 € en 2024 (INSEE). De l’autre, la tension immobilière pousse 4800 habitants par an vers la périphérie, ravivant un débat séculaire : comment préserver l’identité historique sans freiner l’inclusion sociale ?
Mon regard de journaliste sur l’avenir de Bordeaux
En sillonnant les archives municipales, je constate à quel point chaque pierre raconte un tournant géopolitique ; en discutant avec des riverains du quartier Saint-Michel, je mesure la vitalité contemporaine qui se greffe sur ce passé. J’invite le lecteur à déambuler, carnet à la main, du miroir d’eau à la porte Cailhau ; l’histoire devient palpable, presque tactile. Prolongez cette expérience en explorant, prochainement, les chroniques sur l’urbanisme durable, les coulisses viticoles ou encore les anecdotes méconnues des Chartrons.


