Histoire de Bordeaux : la capitale girondine affiche aujourd’hui 291 édifices protégés au titre des Monuments historiques, un record national rapporté à sa superficie. Mieux : selon l’Insee, la ville comptait 262 690 habitants en 2023, soit +1,4 % en cinq ans. Deux chiffres éloquents qui rappellent combien le passé et le présent se nourrissent mutuellement sur les rives de la Garonne. L’objectif ? Comprendre comment 2 000 ans d’événements, de personnages influents et de patrimoine façonnent encore, au quotidien, le visage bordelais.
Des origines romaines aux fastes du XVIIIᵉ siècle
Bordeaux naît vers 56 av. J.-C. sous le nom Burdigala, comptoir commercial idéalement placé entre océan et Méditerranée. Les fouilles de la place de la Bourse ont révélé, en 2021, des amphores d’huile d’Olbia confirmant l’ampleur des échanges.
- 276 : construction du Palais Gallien, unique vestige d’arène romaine en Aquitaine.
- 498 : la cité passe sous domination franque après la bataille de Vouillé.
- 1154 : mariage d’Aliénor d’Aquitaine avec Henri Plantagenêt ; Bordeaux devient anglaise pour trois siècles, favorisant un essor commercial inédit.
- 1453 : bataille de Castillon, fin de la Guerre de Cent Ans et retour à la couronne de France.
- 1755-1775 : l’intendant Tourny trace les actuelles allées de Tourny, symboles d’urbanisme éclairé.
Ma double casquette de journaliste et d’urbaniste me pousse à rappeler que la trame viaire du XVIIIᵉ siècle influence encore la mobilité douce (vélos, tramway) étudiée dans nos dossiers mobilité.
D’un côté, l’âge classique magnifie les façades blondes en pierre de Saint-Émilion ; de l’autre, la prospérité est bâtie sur le négoce colonial, question éthique de plus en plus débattue lors des conseils municipaux de 2024.
Pourquoi le commerce du vin a-t-il façonné Bordeaux ?
Le vin apparaît dès l’époque gallo-romaine, mais c’est au XIIᵉ siècle que l’export décolle vers l’Angleterre. En 2022, le CIVB chiffrait les ventes de vins de Bordeaux à 4,1 milliards d’euros, soit 14 % des exportations françaises de vin. Autrement dit, la filière reste le poumon économique de la Métropole.
Quelles infrastructures ont favorisé ce succès ?
- Les quais de la Garonne, modernisés par l’intendant Boucher (1730).
- Le port de la Lune, inscrit à l’UNESCO en 2007, qui traitait 500 000 tonnes de marchandises en 1789 ; il en gère encore 9 millions aujourd’hui (statistique Grand Port Maritime de Bordeaux, 2023).
- Le réseau fluvial : barges, gabarres puis chemin de fer en 1853, reliant les chais aux quais.
En reportage dans le quartier des Chartrons, j’ai mesuré l’empreinte sensorielle des anciens négociants : odeur de fût, façades percées de lucarnes pour hisser les barriques, tranche de vie que les guides confirment aux touristes curieux.
Personnages influents et héritages durables
Aliénor d’Aquitaine, première ambassadrice européenne
Reine de France puis d’Angleterre (1122-1204), elle apporte à Bordeaux des privilèges commerciaux cruciaux : exemption de taxes sur le vin exporté vers Londres. Cette clause, retrouvée dans les archives de la British Library, explique l’anglophilie durable de la noblesse locale.
Michel de Montaigne, l’humaniste municipal
Élu maire en 1581, Montaigne rédige ses « Essais » au château familial de Saint-Michel-de-Montaigne. Il modernise l’Hôtel de Ville et prône la tolérance religieuse. Sa statue de la place des Quinconces rappelle le lien entre pensée critique et gouvernance urbaine, un sujet qui alimente encore nos articles sur la démocratie locale.
Jacques Chaban-Delmas, bâtisseur du XXᵉ siècle
Maire de 1947 à 1995, cet ancien Résistant lance la ceinture verte, le pont d’Aquitaine (1967) et le quartier Mériadeck. Son influence reste visible : 70 % des infrastructures routières intra-rocade datent de son mandat, selon la DRIEAT (2023). Opinion personnelle : sans sa vision, le tramway n’aurait jamais trouvé la place qu’il occupe aujourd’hui.
Patrimoine bordelais d’aujourd’hui : entre conservation et renouveau
Qu’est-ce que le « Port de la Lune » classé ?
Le Port de la Lune désigne l’ensemble urbain de 1810 hectares inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2007. Son arc en forme de croissant (d’où le nom) illustre la fusion réussie entre commerce, architecture classique et modernité portuaire.
Les incontournables restaurés depuis 2010
- Cité du Vin (2016) : 14 000 m² dédiés à la culture œnologique.
- Pont Jacques-Chaban-Delmas (2013), plus grand pont levant d’Europe ; 110 mètres de travée mobile.
- Base sous-marine de Bacalan, réhabilitée en centre d’art numérique en 2020.
- Grand Théâtre : 2 000 m² de façade nettoyés en 2018, coût : 3,5 millions d’euros.
Ces projets attestent de la capacité bordelaise à conjuguer protection patrimoniale et innovations culturelles, écho direct à nos rubriques « architecture contemporaine » et « culture urbaine ».
Entre tourisme et pression immobilière
En 2024, Bordeaux a accueilli 6,7 millions de nuitées touristiques (Office de Tourisme). Une manne évaluée à 1,2 milliard d’euros, mais un défi pour l’accessibilité au logement : +43 % sur le prix du m² depuis 2015. Certains riverains redoutent une « venise-ification » ; d’autres saluent le dynamisme économique. L’équilibre reste fragile, comme me le confiait un artisan charpentier du cours Victor-Hugo : « Le bois que je restaure devient souvent un Airbnb ».
Bordeaux demain : enjeux et pistes de réflexion
Les projets « Rive droite 2030 » et extension de la ligne D du tram promettent de connecter patrimoine et quartiers émergents. La mairie table sur 25 % d’énergies renouvelables d’ici 2030, essentielle pour préserver la pierre calcaire sensible aux polluants. En tant que chroniqueuse, je suivrai particulièrement la requalification des anciens abattoirs des Bassins à flot ; leur mutation en pôle créatif pourrait devenir un cas d’école, à l’image de Darwin écosystème sur la caserne Niel.
Flâner sous les mascarons de la place de la Bourse ou boire un verre de sauvignon face au Miroir d’eau n’a jamais autant résonné avec la conscience d’une ville-monument vivante. Si, comme moi, vous souhaitez explorer davantage les coulisses d’une cité en perpétuelle métamorphose, restez attentif·ive aux prochains dossiers : nous analyserons la gastronomie bordelaise, la révolution du tramway et l’impact du climat océanique sur le terroir. Rendez-vous au détour d’un quai, d’une archive ou d’un chai ; l’histoire continue de s’écrire… avec vous.


