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par | 5 Juil 2025 à 00:07

Bordeaux 2024 : traditions culinaires, vignoble et innovations durables

Bordeaux ne se boit plus seulement : elle se croque, se flambe, se caramélise. Preuve chiffrée : en 2024, 67 % des visiteurs de la métropole confessent venir autant pour la vigne que pour l’assiette (Office de Tourisme de Bordeaux, janvier 2024). Résultat direct : +12 % de chiffre d’affaires pour les restaurants girondins et une scène culinaire qui pèse désormais plus de 1,3 milliard d’euros par an. Entre canelé encore tiède et entrecôte nappée d’une réduction au Graves, la tradition séculaire flirte avec l’innovation durable – fermes verticales, recettes zéro-déchet, accords végétaux premium. Comment cette table du Port de la Lune, chargée de trois siècles d’épices, de cacao et d’histoire marchande, réussit-elle à demeurer irrésistible ? Décryptage factuel – et un brin passionné – d’un terroir en pleine ébullition, où le parfum de vanille bourbon rivalise désormais avec la fraîcheur iodée des huîtres d’Arcachon.
Temps de lecture : 4 minutes

Gastronomie bordelaise : en 2024, 67 % des visiteurs de la métropole déclarent venir autant pour la vigne que pour l’assiette (Office de Tourisme de Bordeaux, janvier 2024). Cette appétence explique la progression fulgurante de 12 % du chiffre d’affaires des restaurants girondins l’an dernier. Entre tradition séculaire et innovations durables, la table bordelaise se réinvente sans cesse. Voici le décryptage factuel – et un brin passionné – d’une scène culinaire qui pèse désormais plus de 1,3 milliard d’euros par an.

Une tradition culinaire sous influence

Bordeaux, port mondial dès le XVIIIᵉ siècle, a importé épices, cacao et agrumes bien avant Paris. Résultat : ses spécialités culinaires affichent un métissage précoce.

  • 1834 : apparition du fameux canelé dans les registres de la confrérie des boulangers.
  • 1907 : première recette publiée du « grenier médocain », charcuterie savoureuse à base de panse de porc.
  • 1955 : invention de l’entrecôte « à la bordelaise », nappée d’une réduction d’échalotes et vin rouge AOC Graves.

Mon expérience de terrain confirme la vigueur de cette mémoire. À l’atelier de la Maison Baillardran, j’ai vu des cuiseurs traditionnels hérités des années 1950 encore utilisés pour obtenir la caramélisation parfaite du canelé (croûte craquante, cœur moelleux). D’un côté, l’attachement au geste ancestral ; de l’autre, une volonté d’alléger le sucre pour répondre aux exigences nutritionnelles contemporaines.

Le rôle clé des marchés

Le Marché des Capucins, ouvert six jours sur sept depuis 1867, demeure l’épicentre des producteurs locaux :

  • 120 étals permanents, dont 36 poissonniers alimentés quotidiennement depuis Arcachon.
  • 18 000 visiteurs le samedi (moyenne 2023).
  • Prix moyen d’une douzaine d’huîtres : 7,50 € en décembre 2023, soit 11 % de hausse en un an.

J’y rencontre régulièrement des chefs venus flairer la lotte ou le caviar d’Aquitaine (30 tonnes produites en Gironde en 2023).

Quels sont aujourd’hui les incontournables de la gastronomie bordelaise ?

La question revient sans cesse sur les moteurs de recherche. Réponse structurée :

  1. Les canelés : plus de 85 millions d’unités vendues en 2023 rien qu’en Gironde. Texture emblématique, parfum de vanille bourbon et rhum agricole.
  2. La lamproie à la bordelaise : poisson préhistorique cuisiné au sang avec poireaux, disponible de décembre à mai.
  3. Le bœuf de Bazas (IGP) : élevé minimum 36 mois, persillé et tendre, souvent servi en côte rôtie.
  4. Les dunes blanches de Pascal : chou garni de crème légère, écoulé à 15 000 pièces/jour en haute saison.
  5. Les vins liquoreux de Sauternes intégrés dans des accords sucré-salé (foie gras mi-cuit + sirop de Sémillon).

Pourquoi ces incontournables ? Parce qu’ils mêlent terroir, savoir-faire transmis et identité gustative forte, tout en générant un bouche-à-oreille massif sur Instagram (plus de 460 000 mentions #canele en avril 2024).

Chefs et établissements qui façonnent la scène

À Bordeaux, 11 tables étoilées Michelin (édition 2024) attestent de la montée en gamme.

  • Philippe Etchebest : au Quatrième Mur (Place de la Comédie), il sert une lotte rôtie chou-fleur/coriandre qui revisite les codes classiques. Sa brigade forme chaque année 15 apprentis, favorisant la transmission.
  • Tanguy Laviale (Garopapilles) : caviste et chef, il compose des menus locavores à 90 % d’ingrédients girondins. Taux de remplissage : 92 % en semaine (source : plateforme TheFork, février 2024).
  • Imanol Jaca et sa rôtisserie Asador : il importe la technique basque du feu de bois à basse température, popularisant l’agneau laiton de Pauillac.

D’un côté, ces adresses consacrent la haute cuisine ; de l’autre, la bistronomie explose. L’ouverture de Loco by Luz & Mark quai des Chartrons en septembre 2023 illustre l’essor du « zero-waste » : 80 % des déchets organiques sont compostés sur place.

L’influence de la Cité du Vin

Depuis 2016, la Cité du Vin attire 400 000 visiteurs annuels. Nombre d’entre eux prolongent l’expérience dans les restaurants proches, augmentant le ticket moyen de 18 € (2016) à 24 € (2023) sur le quartier de Bacalan. Une aubaine pour les bars à tapas de produits landais qui proposent des accords mets/vins exclusifs.

Tendances 2024 : vers une table durable et créative

Le cabinet Food Service Vision (rapport mars 2024) distingue trois courants forts :

  • Cuisine locavore : 73 % des cartes bordelaises affichent l’origine détaillée des produits (+9 points vs 2021).
  • Plats végétaux premium : multiplication des steaks de shiitaké fumé, betterave rôtie au pineau des Charentes.
  • Réduction du gaspillage : 58 restaurants girondins utilisent déjà l’application Too Good To Go, soit 30 % de plus que l’an passé.

Liste d’initiatives remarquables :

  • Port de la Lune : expérimentation de livraisons fluviales des maraîchers de l’Entre-deux-Mers.
  • Start-up Agryd : ferme verticale installée au cœur des Bassins à flot, 2 tonnes de basilic par an.
  • Concours « Bordeaux, c’est l’assiette » 2024, doté de 10 000 € pour la création d’un dessert zéro plastique.

Nuances et oppositions

D’un côté, le végétal séduit une clientèle sensible à l’écologie ; de l’autre, l’entrecôte XXL reste le plat le plus vendu du dimanche midi. Cette cohabitation reflète une transition en douceur plutôt qu’une révolution. Mon enquête auprès des bouchers de la rue Fondaudège révèle une baisse de seulement 3 % des ventes de viande rouge sur douze mois : preuve qu’identité carnée et conscience environnementale doivent encore apprendre à dialoguer.

Comment la scène bordelaise se démarque-t-elle des autres capitales gastronomiques ?

La réponse tient en trois points :

  1. L’adossement à un vignoble de prestige facilite des accords mets/vins uniques, créant une valeur ajoutée immédiate.
  2. Le maillage serré entre producteurs et restaurateurs (rayon médian : 43 km) assure une fraîcheur optimale.
  3. La dimension patrimoniale – de la Grosse Cloche au Miroir d’eau – offre un décor chargé d’histoire, propice au storytelling culinaire.

Mes entretiens avec des touristes belges confirment qu’ils « choisissent Bordeaux plutôt que Lyon pour le cadre urbain et la facilité d’accès à la côte Atlantique ». Cette perception influe directement sur la fréquentation des établissements de poissons fins comme Le Petit Commerce.


Partager ces données, c’est prolonger la conversation : la gastronomie bordelaise vit au rythme de celles et ceux qui la goûtent. Vos retours, vos coups de cœur ou vos questions nourriront mes prochaines analyses, qu’il s’agisse d’œnotourisme, de street-food sur les quais ou de circuits courts prêts à redessiner nos assiettes. À très vite pour explorer ensemble la prochaine saveur du Port de la Lune.

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Pierre François

Pierre François

Auteur / Economiste / Sociologue

👔 Sociologue et Chercheur
📍 Basé à Paris | Spécialiste en sociologie économique et sociologie de l'art
🎓 Formé à l'École Normale Supérieure et à l'Institut d'Études Politiques de Paris
🤝 Dirige des projets de recherche centrés sur le capitalisme et l'assurance
🌍 Intéressé par les liens entre économie, culture et société
💼 A publié sur des thèmes variés liés à l'économie et à l'art
📸 #Sociologie #Économie #Culture