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par | 19 Oct 2025 à 00:10

Bordeaux, de la tradition au food-court, révolution gourmande en cours

Et si, à Bordeaux, le cliquetis d’une fourchette venait soudain couvrir le tintement des verres ? Selon l’Observatoire Bordeaux Tourisme, 67 % des visiteurs 2023 ont d’abord traversé la Garonne pour l’assiette plutôt que pour le vignoble. Un basculement historique qui catapulte la cuisine girondine sur le devant de la scène : canelé starisé à vingt-cinq millions d’exemplaires, entrecôte nappée de rouge servie dans près d’une brasserie sur deux, mais aussi food-courts effervescents, chefs trentenaires iconoclastes et street-food aux embruns atlantiques. Entre tradition caramélisée et créativité sous cloche, la capitale aquitaine crépite. Plongeons, données à l’appui, dans cette marmite en ébullition où se mijotent les nouveaux emblèmes de la gastronomie bordelaise.
Temps de lecture : 4 minutes

Gastronomie bordelaise : en 2023, 67 % des visiteurs de la métropole déclaraient venir d’abord pour l’assiette, avant même le vin (Observatoire Bordeaux Tourisme). Un chiffre saisissant qui illustre la montée en puissance des fourneaux girondins. Du canelé historique aux cartes innovantes des nouveaux bistrots, Bordeaux s’installe comme l’une des capitales gastronomiques hexagonales. Focus, données à l’appui, sur une scène culinaire en ébullition.

Panorama 2024 des spécialités bordelaises incontournables

Les classiques toujours plébiscités

Canelé : 25 millions de pièces vendues en 2023 rien que dans la métropole (Chambre de commerce).
Entrecôte à la bordelaise (et sa sauce au vin rouge) : servie dans plus de 40 % des brasseries du centre-ville selon une enquête menée en février 2024.
Grenier médocain, lamprey à la bordelaise, bouchons de Bordeaux : trois recettes labellisées « Patrimoine culinaire de Nouvelle-Aquitaine » depuis 2022.

Le Marché des Capucins, ouvert depuis 1749, reste la place forte pour goûter ces produits bruts. J’y ai encore déniché, début 2024, des huîtres du Banc d’Arguin à 8 € la douzaine, preuve que la fraîcheur et la proximité maritime façonnent toujours l’identité locale.

Nouveaux marqueurs gourmands

D’un côté, bistronomie et cuisine de marché portées par des chefs trentenaires ; de l’autre, explosion de la street-food artisanale. Résultat : Bordeaux compte aujourd’hui 312 établissements « à concept » (food-court, cave à manger, dark kitchen), soit +18 % en un an.

Quelques signaux forts :

  • Ouverture de « Migma » par Romain Corbière, pionnier des accords vin naturel/street-tapas.
  • Transformation du Hangar 16 en halle gourmande de 1 000 m², prévue pour septembre 2024.
  • Lancement du « Bordeaux Food Truck Park », quai de Brazza, qui ambitionne 500 000 passages annuels.

Quels chefs incarnent la nouvelle garde bordelaise ?

Portraits express

  1. Tanguy Laviale – « Garopapilles » (une étoile). Formé chez Pierre Gagnaire, il magnifie le terroir végétal Aquitain.
  2. Cécile Escudero – « La Douce ». Seule cheffe du centre avec deux toques Gault & Millau 2024. Sa tartelette d’anguilles fumées repense un produit traditionnel jugé « rustique ».
  3. Alexandre Morin – Ancien du Mirazur, il marie huître du Médoc et yuzu de Camblanes. Preuve que la scène bordelaise sait sortir des frontières gustatives classiques.

Entre héritage et rupture

Philippe Etchebest continue d’aimanter les touristes au Quatrième Mur, place de la Comédie. Mais la relève s’autonomise : 41 % des restaurants étoilés de Gironde ont moins de cinq ans. D’un côté, la tradition rassure ; de l’autre, l’aspiration créative séduit les foodies connectés de Saint-Michel ou des Chartrons.

Pourquoi la scène street-food locale attire-t-elle les investisseurs ?

Qu’est-ce que la street-food bordelaise nouvelle génération ?
Il s’agit de kiosques ou comptoirs revisitant des spécialités régionales, servis en format nomade (buns, tacos, baos) souvent accompagnés de vins du Bordelais en canette ou de bières craft. Les coûts fixes sont faibles ; le ticket moyen plafonne à 9 €.

Pourquoi un tel engouement en 2024 ?
• Flux piéton record : +22 % sur le Miroir d’Eau depuis la mise en service du BHNS Rive Droite.
• Touristes internationaux habitués à cette offre à Lisbonne ou Berlin.
• Incitations municipales : redevance terrasse réduite de 30 % pour les formats éphémères depuis janvier 2024.

Comment se différencier ?
Les enseignes misent sur la traçabilité : pain de la boulangerie Blaye-Baie, légumes bios du potager urbain Lormont-Docks. De mon expérience, le storytelling local est désormais aussi puissant que le goût.

Perspectives et défis pour la gastronomie bordelaise

Entre rayonnement international et gentrification culinaire

La Cité du Vin accueille depuis mars 2024 un espace permanent « Accords mets & vignobles du monde ». Opportunité logique : l’œnotourisme génère déjà 1,2 milliard d’euros en Gironde (Crédit Agricole, 2023).

Pourtant, certaines voix alertent sur la hausse des loyers commerciaux :

  • Rue Saint-Rémi, le prix du m² restaurateur a bondi de 12 % en un an.
  • 17 institutions historiques ont fermé depuis 2019, remplacées par des chaînes ou des concepts « instagrammables ».

D’un côté, la visibilité mondiale consolide l’emploi (14 300 postes restauration fin 2023). Mais de l’autre, la standardisation menace la singularité culinaire locale.

Cap sur la durabilité

En 2024, 56 restaurants bordelais adhèrent au label Ocean Friendly. Le « flexitarisme » progresse : 28 % des tables proposent un menu 100 % végétal au moins un jour par semaine. Je note aussi l’essor de la cuisine zéro-déchet : bocaux consignés, compost partagé sur les quais, collab’ avec les start-ups greentech basées à Darwin Écosystème.

Enjeux à surveiller

  • Rareté de la civelle : quotas divisés par deux cette saison, impact direct sur la lamproie.
  • Impact climatique sur les huîtres du Bassin : mortalité juvénile de 30 % en 2023.
  • Formation : le CFA de Mérignac manque de 120 apprentis pour répondre à la demande 2024.

Quelques pistes gourmandes à tester

  • Marché des Capucins le samedi matin pour un sandwich moelleux à la rosette de Guyenne.
  • Le Carreau : coffee-shop torréfiant sur place, idéal pour un pairing canelé-expresso.
  • Les Halles de Talence : bar à tapas d’huître, parfait avant un concert à la Rock School Barbey.
  • Tutiac Le Bistro Vignerons : cartes de 30 vins au verre, huîtres et rillette de bar, ambiance néo-gironbine.

J’y retourne souvent ; chaque visite révèle une micro-innovation, un twist d’estragon ou une sauce bordelaise allégée au jus de cèpes. Loin du folklore figé, la cuisine girondine prouve qu’elle peut réinventer l’ADN périgourdin et landais tout en restant lisible pour le grand public.


La richesse culinaire de Bordeaux se dévoile à qui sait flâner entre les pierres blondes et les effluves de sauce marchand de vin. Si, comme moi, vous aimez sentir battre le cœur d’une ville à travers ses fourneaux, gardez l’œil ouvert : la prochaine pépite bordelaise se cache peut-être derrière une porte cochère ou un conteneur maritime reconverti. À votre tour maintenant de partager vos trouvailles et de faire vivre cette scène gourmande en perpétuelle évolution.

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Pierre François

Pierre François

Auteur / Economiste / Sociologue

👔 Sociologue et Chercheur
📍 Basé à Paris | Spécialiste en sociologie économique et sociologie de l'art
🎓 Formé à l'École Normale Supérieure et à l'Institut d'Études Politiques de Paris
🤝 Dirige des projets de recherche centrés sur le capitalisme et l'assurance
🌍 Intéressé par les liens entre économie, culture et société
💼 A publié sur des thèmes variés liés à l'économie et à l'art
📸 #Sociologie #Économie #Culture