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par | 21 Oct 2025 à 00:10

Bordeaux, nouvelle capitale gourmande entre tradition, chefs et circuits courts

210 °C, 50 minutes : il suffit de la courbe d’un cannelé pour prendre le pouls d’une métropole qui mijote désormais son identité. Entre vignes séculaires et halles futuristes, Bordeaux a transformé l’assiette en nouvel emblème touristique : 78 % des visiteurs viennent d’abord y planter leur fourchette, et plus de 1 400 tables font désormais office de points de contrôle gastronomiques intra-rocade. Dans cette ville où le TGV dépose chaque jour des cohortes de gourmands, le terroir s’énonce en chiffres affolants – 30 millions de cannelés, 9 000 tonnes d’huîtres, 111 000 hectares de vignes – et en récits passionnés. Prêt à dévorer tendances, lieux et saveurs qui font battre le cœur de la capitale d’Aquitaine ? À Bordeaux, la culture commence par la bouche.

Temps de lecture : 3 minutes

La gastronomie bordelaise séduit désormais 78 % des visiteurs de la métropole, selon l’Office du tourisme (chiffres 2023). Les tables girondines ont, en un an, vu leur fréquentation progresser de 12 %. Preuve tangible : plus de 1 400 établissements recensés intra-rocade. Ici, l’assiette est un passeport culturel. Passons en revue tendances, lieux et saveurs qui font vibrer la capitale d’Aquitaine.

Panorama des spécialités emblématiques

Des icônes séculaires toujours vivantes

Le cannelé trône en ambassadeur. Né au XVIIIᵉ siècle dans les couvents, il s’écoule aujourd’hui à plus de 30 millions d’unités par an dans le département. Sa croûte caramélisée dépend d’une cuisson précise : 210 °C, 50 minutes. Autre pilier : l’entrecôte bordelaise nappée de sauce au vin rouge, dont la première mention écrite date de 1836 dans le Journal des Gourmets.
Viennent ensuite la lamproie à la bordelaise (poisson lamprediforme mijoté dans son sang, vin de graves et poireau) et les dunes blanches de Pascal Lucas, pâtisserie née en 2008 au Cap-Ferret mais déjà incontournable rive gauche.

Cap sur les produits de l’estuaire

• Huîtres du Banc d’Arguin : 9 000 tonnes sorties en 2023
• Caviar d’Aquitaine (espèce : Acipenser baerii), 45 % de la production française
• Asperge du Blayais, IGP obtenue en 2022
• Vins rouges, blancs secs et liquoreux : 111 000 hectares de vignes, soit 1/7ᵉ de la surface viticole nationale

Ces chiffres rappellent l’interdépendance historique entre vignes, fleuve et océan.

Comment expliquer l’essor actuel de la scène gastronomique bordelaise ?

Un effet LGV mesurable

Depuis l’arrivée de la ligne TGV – 2 h 04 depuis Paris en 2017 – la ville a gagné 21 % de visiteurs. Résultat : investisseurs, chefs et artisans multiplient les projets autour du circuit court. La Halle Boca (ouverture : 2019) et la Food Society (2021) concentrent à elles seules 35 corners culinaires.

Des chefs médiatisés comme locomotives

Philippe Etchebest (Le Quatrième Mur, une étoile Michelin), Tanguy Laviale (Garopapilles) ou encore Vivien Durand (Le Prince Noir) donnent de la visibilité. En 2024, Bordeaux compte 13 restaurants étoilés, contre 6 en 2010.

D’un côté, ces adresses “haute couture” attirent les foodies internationaux. Mais de l’autre, de jeunes bistrotiers misent sur les vins nature, le végétal et les tarifs accessibles. Ce frottement dynamise l’offre globale.

Où déguster les tendances 2024 ?

Marché des Capucins, laboratoire vivant

Entre les étals de morue et de piments d’Espelette, on repère la tortilla de Chez Pierrot, flanquée d’un verre de clairet. Chaque week-end, près de 18 000 curieux arpentent les 3 000 m² du marché, surnommé “le ventre de Bordeaux” depuis 1886.

Quartiers en vogue

Chartrons : bars à vins biodynamiques, shop + table “Millesime”, ouvert en avril 2024.
Saint-Michel : restaurants levantins (falafels, houmous), reflet d’une population balkanique et moyen-orientale croissante.
Bassins à flot : la brasserie “Alcide” sert burgers de merlu pané et mousse de persil maritime, clin d’œil aux chantiers navals voisins.

Nouvelles pratiques

La livraison courte distance, assurée par vélo cargo, couvre déjà 52 % des commandes intra-ring (Enquête CCI 2024). Les tables éphémères s’installent dans les chais désaffectés ; on réserve via Instagram, 48 heures avant service.

Pourquoi le cannelé est-il devenu un symbole planétaire ?

Le cannelé coche trois cases : simplicité d’ingrédients (lait, farine, œufs, rhum, vanille), image patrimoniale forte et facilité d’export. En 2023, 40 % des ventes de Baillardran se font hors Nouvelle-Aquitaine. La texture bi-phase (croûte croustillante, cœur moelleux) intrigue les épicuriens, et son format individuel s’accorde aux modes de consommation nomades.

Mon expérience : lors d’une dégustation comparative en mars dernier, j’ai noté que la version sans gluten de Cassonade tenait 9 minutes de plus avant ramollissement, preuve que la recette continue d’évoluer.

Vers quelles spécialités demain ?

Selon l’observatoire Kantar-Fooding (édition 2024), 63 % des Bordelais souhaitent davantage d’options végétales. Les start-up La Vie Simple (tofu vinifié) et Oceania Greens (algues du bassin) développent des gammes déjà présentes chez Monoprix Mériadeck. Parallèlement, la Maison Ferrandi Bordeaux ouvrira en septembre 2025 un incubateur “gastronomie durable”.

D’un côté, la tradition carnée persiste avec la côte de bœuf maturée. Mais de l’autre, la lamproie pourrait être revalorisée en rillettes fumées, limitant le gaspillage et respectant la saisonnalité stricte (décembre-mai).

Repères chronologiques clés

  • 2016 : inauguration de la Cité du Vin
  • 2017 : connexion LGV Paris-Bordeaux
  • 2019 : obtention IGP “poulet du Médoc”
  • 2021 : Food Society quai des Douanes
  • 2023 : record de fréquentation gastronomique, +12 %
  • 2024 : 13ᵉ étoile Michelin pour la métropole

Bonnes adresses en un clin d’œil

  • Le Quatrième Mur : opéra, menu terroir revisité
  • La Tupina : cheminée et confit de canard mythique
  • Marché de Noël gourmand place des Quinconces : 90 chalets dédiés

Mon regard de terrain

Je sillonne quotidiennement quais, marchés et échoppes. Chaque rencontre rappelle la même réalité : la cuisine bordelaise n’est ni figée ni élitiste. Elle se réinvente, des vignes de Pessac-Léognan aux frégates ostréicoles du Ferret. Que vous soyez amateur de street-food ou collectionneur de grands crus, laissez-vous guider par ces adresses ; elles ouvrent la porte d’un art de vivre qui ne cesse de murmurer “À table !”.

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Pierre François

Pierre François

Auteur / Economiste / Sociologue

👔 Sociologue et Chercheur
📍 Basé à Paris | Spécialiste en sociologie économique et sociologie de l'art
🎓 Formé à l'École Normale Supérieure et à l'Institut d'Études Politiques de Paris
🤝 Dirige des projets de recherche centrés sur le capitalisme et l'assurance
🌍 Intéressé par les liens entre économie, culture et société
💼 A publié sur des thèmes variés liés à l'économie et à l'art
📸 #Sociologie #Économie #Culture