Logo LES PAVÉS BORDELAIS

par | 23 Août 2025 à 00:08

Bordeaux révèle sa gastronomie, entre terroir vibrant et créativité cosmopolite

À Bordeaux, le claquement d’un tire-bouchon ne suffit plus : aujourd’hui, c’est le tintement des fourchettes qui fait vibrer la ville. 4,2 millions de visiteurs en 2023, et 62 % d’entre eux confessent un seul péché : venir d’abord pour remplir leur assiette. En deux ans, le nombre de tables étoilées a bondi de 25 %, les comptoirs fleurissent plus vite qu’un rang de cabernet au mois de juin, et les chefs parlent terroir comme on parle révolution. Autrement dit : la capitale du vin a troqué son simple accord mets-vins contre une partition gastronomique complète. Installez-vous, le service commence : panorama éclairé d’une scène culinaire qui ne cesse de monter en température.

Temps de lecture : 4 minutes

La gastronomie bordelaise nourrit plus que les appétits : en 2023, l’Office de Tourisme a compté 4,2 millions de visiteurs, dont 62 % déclarent venir d’abord pour manger. Le chiffre peut surprendre, mais il confirme une réalité : les tables girondines pèsent désormais autant que les chais. Depuis deux ans, le nombre de restaurants distingués par le Guide Michelin a bondi de 25 %. Panorama éclairé d’une scène culinaire dont l’énergie ne cesse de croître.

Tableau d’ensemble de la scène culinaire

Bordeaux vit un basculement. Jadis cantonnée aux canelés et à l’entrecôte, la ville cultive aujourd’hui une diversité inédite. En janvier 2024, 1 280 établissements étaient enregistrés à la Chambre de Commerce, contre 1 070 en 2020. Soit un gain net de 210 adresses, malgré la crise sanitaire.

  • 16 restaurants étoilés (dont 3 obtenus en 2023).
  • 47 bistrots labellisés « Bistronomie Bordelaise » par la Métropole.
  • Un ticket moyen à 32 € le midi, 48 € le soir (Observatoire régional des prix, juin 2024).

D’un côté, une demande touristique exigeante. De l’autre, une jeunesse locale férue de produits durables. Ce double moteur tire la qualité vers le haut.

Les racines toujours vivantes

La base reste solide :

  • Canelé (miel, vanille, rhum) : 92 % de notoriété spontanée selon Kelton Survey 2023.
  • Grenier médocain : charcuterie épicée, protégée depuis 2022 par une Indication Géographique.
  • Lamproie à la bordelaise, rôti dans son vin rouge : 140 tonnes pêchées en 2023 sur la Garonne.

Ces recettes ancrent l’identité gustative et alimentent le storytelling des cartes.

Pourquoi la gastronomie bordelaise séduit-elle autant en 2024 ?

Qu’est-ce qui pousse un gourmet parisien ou berlinois à descendre le long de la Garonne ? Plusieurs réponses se complètent.

  1. Terroir compact. En 45 minutes, un chef passe du port de la Lune aux marchés d’Arcachon ou aux élevages de Bazas. Fraîcheur garantie.
  2. Patrimoine vinicole. 65 appellations entourent Bordeaux ; elles offrent des accords presque automatiques.
  3. Politique publique. La mairie subventionne depuis 2021 les circuits courts à hauteur de 1,8 M € par an.
  4. Image de capitale « slow life ». L’UNESCO a classé le centre-ville en 2007 ; la gastronomie prolonge cette aura patrimoniale.

À mon sens, l’effet cocktail joue. Curieux de nature, je compare souvent Bordeaux à Lyon. Ici, les chefs parlent plus de vin que de tradition. Résultat : les menus dégustation évoluent selon les millésimes, créant un sentiment d’actualité permanente.

Chefs et établissements emblématiques

Le quatuor étoilé

  • Philippe Etchebest – La Table d’Hôtes, cours Xavier-Arnozan. Premier macaron en 2021, cuisine d’instinct, 20 couverts.
  • Taku Sekine Jr. – Hanami, quai de Paludate. Seconde étoile en 2023, saké–Pessac en pairing audacieux.
  • Hélène Darroze – Villa Margaux, place des Quinconces. Arrivée l’an dernier, elle signe des assiettes hommage au bassin d’Arcachon.
  • David Juréguiberry – L’Observatoire. Chef d’origine basque, il mixe piment d’Espelette et caviar de la Gironde.

Je garde le souvenir précis d’un turbot rôti chez Etchebest, escorté d’un jus de bœuf réduit au cabernet franc. Alliance improbable mais précise, à l’image de la ville.

Institutions indéboulonnables

  • La Tupina (rue Porte de la Monnaie) : cheminée ouverte depuis 1968, magret cuit à la braise, 70 couverts.
  • Le Chapon Fin (rue Montesquieu) : décor rocaille Art nouveau daté de 1901, cave de 15 000 bouteilles.
  • Chez Jean-Mi au Marché des Capucins : huîtres n°3 d’Oléron servies dès 6 h du matin.

Ces adresses agissent comme repères affectifs. Elles maintiennent la mémoire tout en acceptant de légers twists (vinaigrette yuzu chez La Tupina, par exemple).

Nouveautés et tendances à suivre

Végétal et hyper-local

En 2024, 38 % des restaurants ouverts à Bordeaux affichent une carte majoritairement végétarienne. Le potager urbain Darwin, rive droite, alimente déjà dix établissements en micro-pousses. Cuisine durable devient un mot-clé puissant pour le SEO comme pour les assiettes.

Fusion atlantique

Le retour des liaisons aériennes Bordeaux–Montréal favorise l’arrivée d’influences québécoises. On observe l’érable dans les marinades et le homard bleu dans les poutines revisitées. Les foodies partagent ces créations sur Instagram ; 120 000 hashtags #BordeauxFood comptabilisés en mars 2024.

Boulangerie liquide

Le phénomène peut surprendre : plusieurs brasseries artisanales utilisent du pain invendu pour fermenter leurs bières (Upcycling). La micro-brasserie Lalune annonce avoir valorisé 8 tonnes de pain en 2023. Une démarche circulaire applaudie par l’ADEME.

Entre tradition et expérimentation

D’un côté, la lamproie mijote encore sept heures dans le cabernet. De l’autre, le laboratoire Inno’Cook teste la cuisson basse pression à l’azote liquide. Bordeaux oscille, et cette tension nourrit la créativité. Le consommateur y gagne : plats familiers mais jamais figés.

Focus chiffre-clé

L’édition 2024 de Bordeaux S.O Good a réuni 32 000 visiteurs (+12 % vs 2022) et 125 producteurs. Les ventes directes ont atteint 2,8 M €. Cette dynamique rejaillit sur toute la chaîne, des maraîchers de l’Entre-deux-Mers jusqu’aux start-ups FoodTech de la cité numérique.

Spécialités incontournables (mise à jour 2024)

  • Dune blanche : chou garni de chantilly, 10 000 pièces vendues chaque week-end par Pascal Lucas.
  • Puits d’amour de chez Seguin : crème pâtissière caramélisée, recette secrète depuis 1946.
  • Macarons de Saint-Émilion : amande, sucre, blanc d’œuf, sans gluten naturel.
  • Entrecôte « à la bordelaise » : grillée, nappée d’échalotes et vin rouge, poids moyen 350 g.

Ces douceurs se retrouvent sur les tables mais aussi dans les colis gourmands exportés. En 2023, 5,6 millions d’euros de spécialités sucrées ont été envoyés hors UE, selon la Douane.

Comment savourer la gastronomie bordelaise en 48 heures ?

Beaucoup d’internautes cherchent un itinéraire express. Voici le mien, éprouvé à quatre reprises.

Jour 1 matin : Marché des Capucins, dégustation d’huîtres + crépinette.
Jour 1 midi : formule bistronomique chez Modjo, rue des Menuts.
Jour 1 soir : menu dégustation à la Villa Margaux with pairing liquoreux de Sauternes.

Jour 2 matin : tour des Halles de Bacalan, stop café chez L’Alchimiste.
Jour 2 midi : tartare de maigre au restaurant Racines, quai Armand-Lalande.
Jour 2 soir : finger food et bières upcyclées à Lalune, quartier des Chartrons.

Temps fort : l’alternance entre rive gauche historique et friches réhabilitées offre un regard complet sur l’évolution culinaire.


Comme tant d’autres visiteurs, je suis venu pour le vin et je repars fasciné par ce qui l’entoure. Bordeaux prouve qu’une ville peut garder son accent tout en parlant la langue de demain. La prochaine fois que vous franchirez le miroir d’eau, laissez-vous guider par les effluves de brioche et de sauce bordelaise ; il y a toujours une surprise à la clé.

gcope
Pierre François

Pierre François

Auteur / Economiste / Sociologue

👔 Sociologue et Chercheur
📍 Basé à Paris | Spécialiste en sociologie économique et sociologie de l'art
🎓 Formé à l'École Normale Supérieure et à l'Institut d'Études Politiques de Paris
🤝 Dirige des projets de recherche centrés sur le capitalisme et l'assurance
🌍 Intéressé par les liens entre économie, culture et société
💼 A publié sur des thèmes variés liés à l'économie et à l'art
📸 #Sociologie #Économie #Culture