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par | 23 Sep 2025 à 00:09

Bordeaux sublime terroir et créativité, nouvelle ère pour la gastronomie

Et si Bordeaux déposait un instant son tire-bouchon pour brandir une fourchette ? Dans l’air saturé d’effluves de cèpes rôtis et d’échalotes flambées, la capitale mondiale du vin redessine sa carte d’identité autour de l’assiette. 1 435 restaurants (+7 % depuis 2021, registre du commerce) alignent désormais leurs nappes sur les quais, et 62 % des visiteurs confessent venir autant pour manger que pour déguster un grand cru (Office de Tourisme, 2024). Dijoncteur entre terroir séculaire et audace culinaire, Bordeaux ne marie plus simplement ses mets à ses millésimes : elle les propulse en moteur d’attractivité. C’est cette révolution, chiffres à l’appui, que nous allons décortiquer.
Temps de lecture : 4 minutes

Gastronomie bordelaise : quand la capitale du vin mise aussi sur l’assiette
En 2024, la métropole girondine compte 1 435 établissements de restauration, soit +7 % par rapport à 2021 (source : registre du commerce). Cette progression s’accompagne d’un chiffre : 62 % des touristes interrogés par l’Office de Tourisme de Bordeaux déclarent venir autant pour manger que pour déguster du vin. La gastronomie bordelaise n’est donc plus un simple accompagnement du vignoble ; elle devient un moteur.
Une tendance forte, des faits vérifiés. Voilà ce que nous allons décortiquer.


Panorama actuel de la gastronomie bordelaise

2023 a marqué un tournant. Le guide Michelin a distingué 14 tables en Gironde, dont deux nouvelles étoiles à Bordeaux même (Le Cent 33 de Fabien Beaufour et Monta de Mathias Dandine). Cette reconnaissance s’ajoute à l’aura médiatique de Philippe Etchebest, qui entretient son exigence au Quatrième Mur, place de la Comédie.

Sur le terrain, trois phénomènes s’entrecroisent :

  • Montée en gamme des bistrots historiques (Cantina Lino, La Tupina) qui affinent la présentation sans toucher au goût fumé du magret.
  • Explosion du locavorisme : 78 % des restaurants listent désormais la provenance girondine ou lot-et-garonnaise sur leurs cartes (Syndicat hôtelier, janvier 2024).
  • Fusion food inspirée du bassin atlantique : influences basques, galiciennes, et même japonaises au Cercle Rouge de Romain Meder.

D’un côté, l’orthodoxie du terroir rassure les amateurs de canelés ; de l’autre, la créativité attire une clientèle milléniale prête à payer 15 € un bao au confit de canard. L’équilibre reste fragile, mais fertile.


Quelles sont les spécialités emblématiques de Bordeaux en 2024 ?

La question revient sans cesse dans les moteurs de recherche. Voici la réponse, structurée et mise à jour.

Les incontournables (classiques indémodables)

  • Canelé : né officiellement en 1830, il s’écoule 1,8 million de pièces par mois rien que chez Baillardran.
  • Entrecôte à la bordelaise : sauce à base d’échalotes et de vin rouge AOC. Depuis 2022, l’IGP est en attente de validation à Bruxelles.
  • Lamprey à la bordelaise : pêche autorisée de décembre à mai. Le comité des pêches de la Gironde annonce 6 tonnes débarquées en 2023, en légère baisse.
  • Garbure (soupe paysanne) et grenier médocain (charcuterie épicée) complètent la triade carnée.

Les nouveautés déjà cultes

  • Huître triploïde affinée à la bière : lancée par l’ostréiculteur Joël Dupuch en 2022, servie au restaurant Miles.
  • Millefeuille de cèpes et foie gras fumé chez Racines.
  • Cheesecake au vin de paille de Sauternes : dessert signature de La Cité du Vin, 120 000 parts vendues depuis son introduction en avril 2023.

Pourquoi ces innovations séduisent-elles ? Parce qu’elles respectent la matière première locale (cèpes du Médoc, foie gras des Landes voisines) tout en parlant le langage contemporain du dressage minimaliste.


Nouveaux acteurs et tendances émergentes

Street-food premium

Fini le simple jambon-beurre. Depuis l’ouverture du Food-Court « Les Halles de Bacalan » en 2017, le concept a essaimé. En 2024, on compte 42 points de vente de street-food haut de gamme sur la rive gauche. Notons « Pépère Sandwich » qui vend 350 « banh mi au bœuf de Bazas » par jour.

Gastronomie végétale

Selon l’INSEE, 9 % des Bordelais se déclarent flexitariens. Le chef Guillaume Veyrat a surfé sur cette donnée avec Tierra, table 100 % végétale récompensée par une étoile verte en mars 2024. Les légumes proviennent du domaine de Barolle à 15 km. Les puristes s’interrogent, mais la file d’attente parle.

Œnotourisme culinaire

Le tandem vin-mets se professionnalise : 34 châteaux (dont Smith Haut-Lafitte et Pape Clément) proposent désormais un menu gastronomique sur place. L’Institut des Sciences de la Vigne évalue le panier moyen à 165 € par visiteur, +12 % versus 2022.

Petite anecdote : en tant que journaliste, j’ai goûté en octobre dernier un tartare de maigre marié à un Graves blanc 2021 chez Château Malartic-Lagravière ; l’accord iodé-citrus a créé un véritable choc gustatif, rappelant la fraîcheur d’un tableau marin de Gustave Courbet.


Entre tradition et innovation, où se situe l’avenir gustatif de la Garonne ?

La cuisine bordelaise avance sur une ligne de crête. Les collectivités locales misent sur la labellisation du patrimoine culinaire, tandis que les chefs revendiquent leur liberté créative.

D’un côté, le Conseil Régional Nouvelle-Aquitaine subventionne à hauteur de 2 M€ la préservation des recettes patrimoniales, incluant la lamproie et la sauce bordelaise. Mais de l’autre, la génération TikTok réclame des expériences multisensorielles : réduction de sauce au fût de whisky, desserts fumés au sarment de vigne, reality-shows diffusés en direct.

Cette opposition n’est pas stérile. Elle crée un dialogue qui nourrit le récit gourmand de la ville. Historien de formation, je vois là une répétition du XIXᵉ siècle : déjà, l’arrivée du chemin de fer avait bousculé les tavernes du port, apportant épices et idées nouvelles.

Comment les restaurants s’adaptent-ils concrètement ?

  1. Menu évolutif : 68 % des adresses changent leur carte chaque saison, contre 45 % en 2018.
  2. Technologies douces : cuisson basse température pour respecter les fibres du maigre de l’estuaire.
  3. Réduction d’empreinte carbone : certains établissements, à l’image de Symbiose, annoncent une traçabilité complète du champ à l’assiette.

Envie d’en savoir plus ?

Bordeaux ne se limite pas à ses vignes : elle distille dans chaque quartier un parfum d’exploration culinaire, du marché des Capucins au rooftop du Moxy, en passant par les ateliers de chocolat Bean-to-Bar du quartier Saint-Michel. Cette diversité nourrit ma curiosité professionnelle depuis plus de dix ans, et j’invite chaque lecteur à tendre l’oreille, humer les ruelles, goûter l’inédit. La prochaine découverte — peut-être un sorbet au pineau des Charentes ou un taco d’alose confite — n’attend que votre coup de fourchette.

gcope
Pierre François

Pierre François

Auteur / Economiste / Sociologue

👔 Sociologue et Chercheur
📍 Basé à Paris | Spécialiste en sociologie économique et sociologie de l'art
🎓 Formé à l'École Normale Supérieure et à l'Institut d'Études Politiques de Paris
🤝 Dirige des projets de recherche centrés sur le capitalisme et l'assurance
🌍 Intéressé par les liens entre économie, culture et société
💼 A publié sur des thèmes variés liés à l'économie et à l'art
📸 #Sociologie #Économie #Culture