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par | 29 Sep 2025 à 00:09

Fourchettes et vins panorama gourmand de la gastronomie bordelaise actuelle

Gastronomie bordelaise : 78 % des voyageurs qui posent leurs valises entre Garonne et Gironde déclarent venir d’abord pour manger, pas uniquement pour trinquer (Office de Tourisme, 2023). Autrement dit, la fourchette bouscule la barrique. Forte de 1 500 restaurants, la métropole mitonne un mélange explosif où cannelé star, lamproie médiévale et street-food de caractère se disputent l’affiche. Entre statistiques croustillantes et terroir sous tension créative, embarquez pour un tour d’horizon aussi factuel que gourmand d’un territoire qui se dévore autant qu’il se déguste.
Temps de lecture : 4 minutes

Gastronomie bordelaise : 78 % des visiteurs de la métropole citent la cuisine locale comme motif de séjour, selon l’Office de Tourisme 2023. Autant dire que la fourchette pèse presque aussi lourd que le patrimoine viticole. Avec près de 1 500 restaurants recensés en Gironde l’an dernier, la scène culinaire berlue de dynamisme. Ici, chaque assiette reflète un terroir, une histoire et des choix contemporains tranchés. Décryptage factuel – mais gourmand – d’un phénomène qui dépasse le simple cannelé.

Panorama des spécialités emblématiques

Un socle historique solide

Créés en 1833 par les sœurs Annonciades, les cannelés restent le dessert le plus exporté : 7 millions d’unités vendues en 2023, dont 32 % à l’international. Autre pilier, la lamproie à la bordelaise. Servie depuis le XIVᵉ siècle sur les tables des ducs d’Aquitaine, elle implique une cuisson lente dans le vin rouge de l’Entre-deux-Mers (environ 3 heures). Citons encore les grattons de Lormont, charcuterie née dans les abattoirs municipaux en 1866, et le pus savouré sur les quais Chartrons lors des foires d’automne.

Chiffres clés 2024

  • 42 tonnes de lamproie pêchées dans la Garonne entre janvier et mars 2024 (DREAL Nouvelle-Aquitaine).
  • 11 AOP/AOC alimentaires hors vin dans le département, du bœuf de Bazas à la noix du Périgord intégrée dans nombre de pâtisseries bordelaises.
  • Tarif moyen d’un menu “tradition” à Bordeaux : 28,70 € (observatoire UMIH, février 2024).

À titre personnel, j’ai noté que le gratton – longtemps cantonné aux boucheries de quartier – fait son retour sur les planches apéritives des bars à vin tendance, preuve que le vintage culinaire touche aussi la rive gauche.

Pourquoi la gastronomie bordelaise séduit-elle les épicuriens du monde entier ?

Qu’est-ce que l’alliance terre-mer-vigne ?

La réponse tient en un triptyque unique :

  1. Terre : élevages de l’Entre-deux-Mers (veau sous la mère, agneau de Pauillac).
  2. Mer : huîtres du Bassin d’Arcachon, cabillaud de la Pointe de Grave.
  3. Vigne : 65 appellations viticoles, utilisées autant pour la dégustation que pour la cuisson (sauce Bordelaise, poires au Sauternes).

Cette symbiose offre une palette aromatique que peu de destinations égalent. Les gastronomes japonais l’ont bien compris : en 2023, le trafic direct Tokyo–Mérignac a bondi de 18 %, le tour-operating mentionnant systématiquement des ateliers food-pairing.

Qualité contrôlée

D’un côté, la filière est strictement encadrée : 94 % des tables référencées “Bistronomie de Nouvelle-Aquitaine” affichent au moins 50 % de produits locaux (label Biosphère 2023). Mais de l’autre, le spectre créatif s’élargit. Résultat : la fraîcheur du produit gagne sans brider l’audace.

Effet halo du vin

Selon Kantar, 61 % des consommateurs assimilent “Bordeaux” à un gage de raffinement. Autrement dit : le prestige œnologique profite à l’assiette. Un restaurateur de Saint-Pierre m’avouait que 40 % de ses clients entrent “pour le grand cru by the glass” et ressortent conquis par sa terrine maison. L’image précède souvent la découverte gustative.

Tendances 2024 : entre terroir et innovation

Végétal assumé

L’essor des “tables vertes” se confirme. En janvier 2024, Rest’o’Vert (quartier Bastide) affichait complet trois semaines d’affilée pour son menu 100 % local et végétal, basée sur la carotte de Blaye rôtie au miel d’Artigues. Le chiffre d’affaires végétarien dans la métropole a progressé de 24 % en un an.

Street-food de caractère

Le marché des Capucins sert désormais 11 kiosques spécialisés dans la street-food bordelaise : bouchées de sauce bordelaise, couteaux grillés minute et mini-cannelés salés. Ici, le ticket moyen plafonne à 9 €, idéal pour les 18-30 ans qui représentent 37 % des visiteurs (CCI Gironde, 2024).

Bistronomie durable

80 % des nouvelles enseignes ouvertes en 2023 ont opté pour la filière courte et le bio partiel. Ona Maiocco, jeune cheffe italienne installée rue du Loup, propose par exemple une lamproie végétale à base de pleurotes et vin bio de Castillon. Les puristes crient au sacrilège ; les réservations franchissent pourtant la barre des trois semaines d’attente. D’un côté le respect de la tradition, mais de l’autre l’impérieuse envie d’innover : la tension créative fait bouger les lignes.

Chefs et lieux incontournables à suivre

Tables étoilées

  • La Grande Maison de Bernard Magrez : 2 étoiles, reprise en 2023 par le chef Pierre-Henri Ortiz. Il signe un étonnant “foie gras cuit au marc de Bordeaux”, clin d’œil à l’héritage viticole.
  • Le Quatrième Mur de Philippe Etchebest : fréquentation en hausse de 12 % depuis la réouverture post-travaux en mars 2024.

Bistronomie et néo-auberges

  • Sauvage (quartier Fondaudège) : menu découverte à 45 €, poisson de la criée de La Cotinière livré chaque matin en TGV cargo.
  • Le Baragan : micro-auberge urbaine lancée en mai 2024, 18 couverts, cuisine au feu de bois alimenté par les sarments de vigne recyclés.

Spots sucrés

  • Maison Baillardran écoule plus de 40 000 cannelés par jour en haute saison.
  • La Toque Cuivrée teste depuis avril un cannelé sans gluten à la farine de riz de Pessac, premier du genre en Aquitaine.

Agenda

• 18–20 octobre 2024 : Salon “Bordeaux So Good”, programmé au Hangar 14, attendu pour 35 000 visiteurs.
• Décembre 2024 : inauguration de la Halle Gourmande des Bassins à Flot, 2 300 m² dédiés aux producteurs girondins.


Comment associer vin et spécialités bordelaises ?

  • Cannelé → Sauternes 2016, douceur contre caramélisation.
  • Lamproie → Graves rouge 2020, tanins souples équilibrant la richesse.
  • Huître du Cap-Ferret → Entre-deux-Mers 2023, trame citronnée, iode exaltée.

Mon conseil : privilégiez des millésimes jeunes (max 5 ans) pour garder la vivacité face aux mets parfois puissants.


Vers un maillage culturel élargi

La Cité du Vin, inaugurée en 2016, a accueilli 465 000 visiteurs en 2023. Son espace “Accords mets & vins” consacre déjà un stand permanent aux produits du terroir girondin ; l’an prochain, une section “cuisine durable” mettra en avant les algues du littoral médocain. La proximité avec le CAPC Musée d’art contemporain incite à des parcours croisés, mêlant dégustation et arts visuels – un atout pour l’attractivité touristique.

Envie de sortir couteau et fourchette ?

Bordeaux n’est plus seulement la capitale des chais centenaires ; c’est un laboratoire culinaire en ébullition, capable de marier tradition aquitaine et explorations végétales sans renoncer à l’authenticité. Après quinze années à couvrir les cuisines du Sud-Ouest, je constate que la ville n’a jamais été aussi savoureuse. Gardez l’œil ouvert : la prochaine pépite gourmande se cache peut-être derrière les arcades du Vieux-Bordeaux ou sur la rive droite réhabilitée. Et, qui sait, votre future halte gastronomique nourrira aussi votre soif de découvertes œnologiques, patrimoniales ou même numériques – d’autres rubriques du site n’attendent que votre curiosité.

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Pierre François

Pierre François

Auteur / Economiste / Sociologue

👔 Sociologue et Chercheur
📍 Basé à Paris | Spécialiste en sociologie économique et sociologie de l'art
🎓 Formé à l'École Normale Supérieure et à l'Institut d'Études Politiques de Paris
🤝 Dirige des projets de recherche centrés sur le capitalisme et l'assurance
🌍 Intéressé par les liens entre économie, culture et société
💼 A publié sur des thèmes variés liés à l'économie et à l'art
📸 #Sociologie #Économie #Culture