Logo LES PAVÉS BORDELAIS

par | 11 Oct 2025 à 00:10

Gastronomie bordelaise, boom des restaurants et saveurs locales en effervescence

Dans l’air tiède qui flotte au-dessus des quais, la ville résonne d’un cliquetis de casseroles plus dense que jamais : +6,7 % de restaurants en un an, 2,9 millions de visiteurs gourmands, et autant de raisons de croire que Bordeaux est passée du simple vin à l’assiette-laboratoire. Derrière chaque cannelé caramélisé, on entrevoit le passé négrier du port ; sous chaque ceviche de maigre, on devine l’audace d’un chef revenu de Montréal. Héritage et futur se bousculent donc sur la même table, et c’est ce choc de saveurs, de chiffres et d’idées que cet article s’apprête à décortiquer. Installez-vous : la dégustation commence maintenant.
Temps de lecture : 4 minutes

Gastronomie bordelaise : selon l’Insee, la métropole a vu le nombre de restaurants passer de 1 940 à 2 070 entre 2022 et 2023, soit une hausse de 6,7 %. Cette dynamique culinaire, boostée par 2,9 millions de visiteurs en 2023 (Bordeaux Tourisme), positionne la capitale girondine comme un laboratoire savoureux où terroir et créativité se rencontrent. Ici, chaque assiette raconte un fragment d’histoire – des vignobles médiévaux aux food-courts avant-gardistes. Coup d’œil analytique sur un écosystème qui ne cesse de surprendre.

Panorama actuel de la gastronomie bordelaise

Bordeaux ne se résume plus à ses grands crus classés. Depuis 2018, la ville accumule les distinctions : 11 restaurants étoilés en 2024 (contre 7 en 2019) et deux nouvelles adresses Bib Gourmand. Cette reconnaissance internationale s’appuie sur trois piliers factuels :

  • Un marché agricole diversifié : 2 600 exploitations en Gironde, dont 45 % sous signe officiel de qualité (label rouge, AOP).
  • Une filière mer-fleuve dynamisée par le port de La Lune : 3 700 t de produits de pêche débarqués en 2023, +4 % vs 2022.
  • Des institutions culinaires historiques : Le Chapon Fin (1879) ou La Tupina (1968) qui maintiennent la mémoire gastronomique.

D’un côté, cet héritage inscrit Bordeaux dans une culture de la cuisine de terroir. Mais de l’autre, l’arrivée d’entrepreneurs passés par Londres ou Montréal injecte des influences nikkei, levantines ou 100 % végétales. La tension créative qui en découle fait le sel (et le poivre) de la scène actuelle.

Le poids économique

La restauration bordelaise génère désormais 680 M€ de chiffre d’affaires annuel (CCI Gironde, 2023). L’emploi suit : +1 450 postes en deux ans, malgré les secousses post-Covid. Pour le conseil municipal, la gastronomie devient un vecteur clé de l’identité de marque “Bordeaux Grand Large”, au même titre que l’œnotourisme ou le design urbain.

Pourquoi les spécialités bordelaises séduisent-elles les gourmets ?

Qu’est-ce que le cannelé de Bordeaux ?

Petite bouchée caramélisée à cœur moelleux, le cannelé apparaît dans les registres du couvent des Annonciades (XVIIIᵉ siècle). Traditionnellement cuit dans des moules en cuivre, il combine farine, jaune d’œuf et rhum des Antilles, rappelant le rôle du port dans le commerce triangulaire. Aujourd’hui, Baillardran en écoule près de 50 000 unités quotidiennes.

Derrière ce succès, trois facteurs clés :

  1. Texture double (croûte croquante, intérieur tendre) rare dans la pâtisserie française.
  2. Prix accessible : 1,40 € pièce en moyenne, idéal pour le street-food tourisme.
  3. Forte image identitaire : 89 % des visiteurs repartent avec un cannelé (Enquête Office Tourisme 2024).

L’assiette carnée, entre tradition et controverse

  • Entrecôte à la bordelaise : marinade au vin rouge, moelle, échalotes.
  • Lamproie façon bordelaise : long mijotage au sang, plat iconique mais en recul (captures -30 % en dix ans).

Si les puristes défendent ces recettes, les chiffres montrent une mutation : 27 % des restaurants proposent désormais une option végétarienne inspirée des primeurs du Médoc. Les chefs jonglent donc entre respect des racines et impératif durable.

Chefs et établissements qui font bouger la scène locale

Étoiles, bistronomie et food-courts

  • Philippe Etchebest (Le Quatrième Mur, place de la Comédie) : 100 couverts/jour, menu “retour du marché” misant sur les légumes oubliés.
  • Taku Sekine in memoriam : son influence nippo-parisienne se perpétue au Café Joyeux, Quai des Chartrons.
  • Symbiose : bar-restaurant élu dans le Top 10 “50 Best Discovery” 2023 pour ses cocktails locavores infusés au pineau.

Au-delà du prestige, les Halles de Bacalan (2017) et la Boca FoodCourt (2019) brassent un public jeune : 55 % des clients ont moins de 35 ans. On y picore huîtres du Bassin, tacos gascons et pâtisseries japonaises signées Tomohiro Ushida, reflet d’un multiculturalisme assumé.

Focus durable

Le label FIG (Food Index for Good), né en 2021 à Bordeaux, certifie déjà 48 adresses bas-carbone. Parmi elles, Mampuku (quartier Saint-Michel) affiche 75 % d’ingrédients régionaux et un menu à 11 kg CO₂e/an, trois fois moins que la moyenne nationale.

Tendances 2024 : entre terroir et innovation

Comment émergent les nouvelles tendances culinaires à Bordeaux ?

  1. Incubateurs gastronomiques (Le Nouvel’R culinaire, 2022) épaulent 15 start-ups travaillant sur la fermentation ou la réduction du gaspillage alimentaire.
  2. Synergie vin-modern food : la Cité du Vin multiplie les résidences d’artistes-chefs, créant des accords mets-sons-vins.
  3. Influence néo-rurale : 320 maraîchers installés dans un rayon de 50 km livrent des micro-marchés, réduisant le kilomètre-aliment.

Résultat : des concepts comme le « ceviche de maigre du Verdon, sorbet avocat-piment d’Espelette » s’imposent sur les cartes. Le locavore flirte avec l’exotique.

Les chiffres à surveiller

  • 72 % des clients interrogés (sondage Kantar 2024) souhaitent des menus saisonniers.
  • Le “sans alcool pairings” progresse de 19 % en volume, dopé par les kéfirs locaux.
  • Les cours de cuisine patrimoniale attirent 18 000 participants/an, soit +12 % en un an.

Nuances et oppositions

D’un côté, la montée en puissance des dark kitchens dans l’aire Euratlantique répond à la livraison express (Deliveroo : +28 % de commandes en 2023). De l’autre, les marchés de plein vent comme les Capucins défendent le contact humain et la traçabilité courte. Le défi : concilier exigence de rapidité urbaine et préservation d’un patrimoine culinaire vivant.

Sous-tendances connexes

  • Tourisme fluvial gastronomique sur la Garonne.
  • Vins nature et biodiversité (rubrique œnologie du site).
  • Agenda des festivals, dont “Bordeaux S.O Good” chaque novembre.

Observer, goûter, raconter : voilà mon quotidien de journaliste culinaire à Bordeaux. Si ces lignes vous ont donné envie de croquer dans un cannelé brûlant ou de tester l’entre-saisons créatif d’un chef local, glissez-vous dans les ruelles pavées et laissez-vous guider par l’odeur du beurre noisette. La prochaine découverte se niche peut-être derrière la porte en bois sculpté que vous n’aviez jamais poussée.

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Pierre François

Pierre François

Auteur / Economiste / Sociologue

👔 Sociologue et Chercheur
📍 Basé à Paris | Spécialiste en sociologie économique et sociologie de l'art
🎓 Formé à l'École Normale Supérieure et à l'Institut d'Études Politiques de Paris
🤝 Dirige des projets de recherche centrés sur le capitalisme et l'assurance
🌍 Intéressé par les liens entre économie, culture et société
💼 A publié sur des thèmes variés liés à l'économie et à l'art
📸 #Sociologie #Économie #Culture