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par | 15 Oct 2025 à 00:10

Gastronomie bordelaise: tradition, jeunes chefs et innovation durable en hausse

Bordeaux ne se contente plus de faire danser le vin dans les verres : la ville fait désormais crépiter ses fourneaux à plein feu. En 2023, la métropole a vu les repas hors-foyer bondir de 18 % (INSEE) et, plus étonnant encore, 47 % des visiteurs étrangers arrivent d’abord pour croquer la cuisine locale avant de lever leur verre. Entre sarments qui flambent, canelés qui caramélisent et moelle qui fond sur la langue, la capitale girondine réveille tous les appétits. Que mijote donc réellement cette scène culinaire en ébullition ? Plongeons sans attendre dans les assiettes bordelaises.
Temps de lecture : 4 minutes

Gastronomie bordelaise : en 2023, la métropole a vu ses ventes de repas hors-foyer bondir de 18 % selon l’INSEE, signe d’un appétit intact pour la table. Plus surprenant encore, 47 % des visiteurs étrangers interrogés par l’Office de Tourisme déclarent venir d’abord pour découvrir la cuisine locale, devant même le vin. Les fourneaux bordelais chauffent. Il est temps d’explorer ce qui se passe dans les assiettes girondines.

Panorama des spécialités emblématiques

Le terroir aquitain nourrit des recettes profondément ancrées dans l’histoire navale et viticole de la ville.

  • Entrecôte à la bordelaise : faux-filet grillé nappé d’une sauce au vin rouge, échalotes et moelle.
  • Canelé : petit cylindre caramélisé, né au XVIIᵉ siècle grâce aux jaunes d’œufs restants des chais.
  • Lamprey à la bordelaise : poisson de l’estuaire longuement mijoté dans le merlot et l’ail.
  • Grattons de Lormont (rillons locaux) et grenier médocain complètent l’offre charcutière.

Le port historique, inscrit à l’UNESCO depuis 2007, a façonné ces mets. Les épices venues d’outre-mer, la forte présence des tonneliers et la proximité des marais salants ont guidé les saveurs. Aujourd’hui encore, 62 % des restaurateurs du centre reprennent au moins un de ces plats à leur carte (baromètre CCI 2024).

Qu’est-ce que l’entrecôte à la bordelaise ?

Il s’agit d’une pièce de bœuf de 350 g minimum, grillée au sarment, puis déglacée avec un cru de l’AOC Graves. La moelle apporte le soyeux, l’échalote la pointe sucrée. Temps de cuisson recommandé : 3 minutes de chaque côté pour une viande saignante. La tradition veut qu’on serve ce plat avec des cèpes ou des pommes sarladaises.

Court, précis, indémodable.

Quels chefs façonnent aujourd’hui la scène culinaire bordelaise ?

La nouvelle génération tutoie les monuments. D’un côté, le Meilleur Ouvrier de France Philippe Etchebest, doublement étoilé au Quatrième Mur, incarne la haute gastronomie. De l’autre, la cheffe Tani Lévi (Chef Bistrot Lume) dynamite la street-food locale avec sa victorieuse focaccia au magret fumé.

Autres figures à suivre :

  • Vivien Durand au Prince Noir à Lormont, 1 étoile et un jardin en permaculture.
  • Alexia Duchêne, installée depuis 2022 au Market Joy, pionnière des accords plats/thés de Darjeeling.
  • Arnaud Lahaut qui, dans son pop-up saisonnier au Cap-Ferret, valorise les algues du bassin.

Cette diversité se confirme dans les chiffres : 14 nouvelles adresses étoilées ont émergé en Gironde entre 2021 et 2024, un record depuis la révision du guide Michelin de 1999.

Nouvelles tendances et chiffres clés 2023-2024

La cuisine bordelaise se renouvelle sans renier son identité. Trois axes ressortent.

1. Végétal et circuits courts

Selon l’Observatoire Bordeaux-Alimentation, 58 % des restaurants proposent désormais un menu 100 % local (fermes de moins de 150 km). Les Halles de Bacalan, inaugurées en 2017, fonctionnent en vitrine ; 2,1 millions de passages comptabilisés en 2023.

2. Fusion vin/plat

Le food-pairing s’étend. On ne parle plus seulement d’accords vins rouges/gibier. Des sommeliers comme Jérôme Bagnon marient sushis et clairet. La Cité du Vin a d’ailleurs lancé, en mars 2024, un atelier « Saké médocain » affichant complet en cinq jours.

3. Tech et expérience immersive

Hologrammes retraçant la vie de Montaigne pendant le service (concept store Historium, rue Parlement-Sainte-Catherine), QR codes de traçabilité sur chaque huître du bassin d’Arcachon : la gastronomie devient narrative. Les touristes, déjà séduits par l’oenotourisme, prolongent leur parcours culinaire via des visites guidées des marchés.

Chiffre marquant : la dépense moyenne par repas gastronomique a atteint 68 € en 2023, soit +12 % sur un an, malgré l’inflation.

Entre tradition et innovation : un équilibre fragile

D’un côté, les puristes défendent la recette originale du canelé : cire d’abeille, moule en cuivre, aucun arôme artificiel. De l’autre, les pâtissiers tels que Pierre Lambert injectent yuzu ou fève tonka. Les débats s’animent sur les réseaux sociaux. Certes, la création attire la clientèle internationale. Mais le Syndicat des Pâtissiers de Gironde rappelle que 80 % des clients locaux préfèrent la version classique.

Même tension autour de la lamprey. Les pêcheurs de l’estuaire, regroupés au sein de l’Association des Palus, craignent la surpêche. Les quotas fixés à 30 000 individus pour 2024 divisent par deux la quantité disponible par rapport à 2018. Restaurants et écologistes cherchent une alternative : labelliser la pêche durable et éduquer le consommateur.

Pourquoi la durabilité devient-elle incontournable ?

Les enquêtes du programme « Bordeaux Cité Durable » montrent que 73 % des 18-35 ans choisissent un restaurant selon son engagement environnemental. Avoir une carte de vins bio, privilégier la noix de Saint-Jacques de plongée, bannir le plastique : autant de critères qui influencent le taux de remplissage. Les chefs l’ont compris ; 41 établissements possèdent désormais la certification EnVol, contre 9 en 2020.

En bref : les lieux où goûter l’authentique cuisine bordelaise

  • Le Chapon Fin (depuis 1825) pour un voyage Belle Époque.
  • La Brasserie Bordelaise pour ses 70 références de côtes de bœuf.
  • Les Epicuriales cours de l’Intendance, festival culinaire estival prévu du 14 au 29 juin 2024.
  • Le Marché des Capucins surnommé « le ventre de Bordeaux » depuis 1749, idéal pour le crépinettes-ostréiculteurs.

En déambulant dans les ruelles pavées, je reste frappée par l’odeur du sarment brûlé qui s’échappe des cuisines ouvertes. La gastronomie bordelaise n’est pas qu’une carte postale ; c’est une chronique vivante qui se réécrit chaque service. Goûtez, comparez, questionnez les chefs : le terroir girondin réserve encore des secrets. Je poursuis moi-même cette exploration, carnet en main, prête à dévoiler la prochaine pépite… et vous ?

gcope
Pierre François

Pierre François

Auteur / Economiste / Sociologue

👔 Sociologue et Chercheur
📍 Basé à Paris | Spécialiste en sociologie économique et sociologie de l'art
🎓 Formé à l'École Normale Supérieure et à l'Institut d'Études Politiques de Paris
🤝 Dirige des projets de recherche centrés sur le capitalisme et l'assurance
🌍 Intéressé par les liens entre économie, culture et société
💼 A publié sur des thèmes variés liés à l'économie et à l'art
📸 #Sociologie #Économie #Culture